Le Jugendstil

Le mouvement Jugendstil est le nom d’un courant artistique apparu à la fin du XIXe siècle dans le sud de l’Allemagne. Il tire son nom de la revue Die Jugend fondée en 1896, dont le but est de promouvoir, dans les arts appliqués, un style symboliste et expressionniste, avec une importante recherche typographique (proche de l’Art nouveau français ou de la Sécession autrichienne). Au départ plutôt floral, le Jugendstil devient, au tournant du siècle, de plus en plus géométrique, presque constructiviste avant la lettre. Les artistes et designers Jugendstil sont concentrées principalement autour de Munich (on parle de Munich Secession), mais aussi dans la colonie d’artistes de Darmstadt, près de Francfort. On peut citer Theodore Thomas Heine, Bruno Paul, Friedrich Wilhelm Kleukens, Adolf Münzer ou Franz von Stuck.

Le Plakatstil

Le Plakatstil (ou Sach Plakat) est un mouvement né à Berlin en 1906, initié par Lucian Bernhard, et qui correspond à l’âge d’or de l’affiche allemande. Les caractéristiques de ce style est l’utilisation de gros titres accrocheurs sur des aplats de couleurs, tandis que formes et objets sont simplifiées, la composition se concentrant sur un objet central. Le Plakatstil se détourne ainsi de la complexité du Jugendstil. Parmi les représentants de ce style, outre Bernhard, on peut citer Julius Gipkens, Ludwig Hohlwein, Hans Rudi Erdt, ainsi que deux autrichiens installés à Berlin : Julius Klinger (il travaille à Berlin de 1898 à 1915) et Ernst Deutsch-Dryden (entre 1910 et 1916). Ludwig Hohlwein est incontestablement l’un des affichistes et graphistes les plus prolifiques et les plus inventifs du début du XXe siècle. Durant sa longue carrière il aurait dessiné plus de 3000 affiches, pour Audi, Bahlsen, BMW, Daimler Benz, Erdal, Lufthansa, MAN, Pelikan, Henkel ou Zeiss, entre autres. La fin de sa vie fut néanmoins assombrie par son adhésion active au parti nazi (voir plus loin), après qu’il ait, en 1931, décliné une offre pour émigrer aux États-Unis.

Une révolution typographique

Dans le même temps ont lieu les premières recherches du Werkbund, un collectif d’artistes et d’architectes d’avant-garde actif en Allemagne. Des créateurs comme Peter Behrens, graphiste attitré de l’entreprise nationale d’électricité AEG, réfléchissent aux possibilités qui leur sont offertes de réformer l’environnement visuel quotidien, notamment la publicité, par le recours aux simplifications géométriques et formelles, en utilisant l’aplat et les schémas orthogonaux. Mais c’est au cours des années 20, avec la percée de l’art géométrique et du constructivisme, dans le contexte de la République de Weimar, que les recherches et les innovations graphiques et typographiques vont connaître un essor décisif, en fondant un art de la mise en page qui s’adapte particulièrement bien avec les recherches menées par les artistes géométriques et constructivistes du moment. Des créateurs allemands, russes, polonais et hollandais vont ainsi transposer les théories élaborées pour la peinture, la sculpture et l’architecture – créer un art rationnel, simple, rigoureux, clair et universel – à la conception de caractères typographiques et d’agencements graphiques nouveaux. Leurs découvertes sont appliquées à toutes sortes de supports : revues, livres, affiches, publicités, emballages de produits de consommation, etc. À des artistes qui ont beaucoup de mal à vendre leur art, d’un abord encore trop obscur pour le public, graphisme et typographie permettent donc de faire connaître certaines de leurs créations et, accessoirement, d’en vivre. Kurt Schwitters, par exemple, devient le graphiste de la mairie de Hanovre, sa ville natale. Dans cette même ville, des firmes renommées comme les encres Pelikan donnent à des artistes comme El Lissitzky le soin de concevoir leur identité visuelle. Schwitters crée, en 1924, la brochure Graphisme publicitaire (Werbegestaltung) dans laquelle il introduit de nouvelles formes typographiques dont il explique les principes. En 1927, il fonde une association, le Cercle des nouveaux graphistes publicitaires, à laquelle adhèreront notamment Willy Baumeister, Walter Dexel, Cesar Domela ou encore Laszlo Moholy-Nagy. Ce dernier participera, au sein du Bauhaus, à la promotion des idées constructivistes. Cette diffusion aura pour corollaire l’émergence d’une nouvelle génération de professeurs, anciens élèves du Bauhaus acquis à l’art géométrique. Parmi eux, Herbert Bayer qui, de 1925 à 1928, sera maître de l’atelier d’imprimerie de l’école. Bayer se situera en pointe d’une révolution typographique qui posera les jalons d’une nouvelle esthétique du quotidien, encore valable aujourd’hui (et qu’il exportera plus tard aux États-Unis) : graphisme et typographie répondent aux critères constructivistes quant à la création d’un art non pas « gratuit », un art pour l’art, mais au contraire un art utile, intégré à la société – mais sans pour autant renoncer à un certain radicalisme. Ainsi Schwitters et Bayer plaident-ils pour des caractères sans empattement, sans ces pleins et déliés et tous les maniérismes propres aux typographies traditionnelles, gothiques, Fraktur, romaines, etc. Cet attachement à la simplification des formes conduit aussi certains typographes à se passer des majuscules, particulièrement abondantes dans l’imprimerie germanique. C’est ainsi que seront créées des typographies dont le modernisme ne se dément pas de nos jours, comme en témoigne la police Futura créée par Paul Renner en 1927.

La mise en page est également traitée de manière « géométrique », la typographie et l’agencement des corps de textes étant irrémédiablement liés. Les mises en pages font ainsi la part belle aux compositions asymétriques, décalées (abandon de la justification), jouant sur l’alternance de vides et de pleins, sur les changements de corps sur une même page, sur la confrontation de mots et de corps de textes horizontaux, verticaux ou obliques. La couleur est aussi utilisée pour captiver et diriger le regard du lecteur. Herbert Bayer utilise ainsi, souvent, les trois couleurs primaires, ou des combinaisons de rouge, de noir et de jaune. Cette révolution typographique qui a lieu dans l’Allemagne des années 20 est entérinée par la publication, en 1929, du livre Die Neue Typographie (« La nouvelle typographie ») de Jan Tschichold.

Années 1930 et 40

L’arrivée des nazis au pouvoir dans les années 1930 bouleverse durablement les choses. Parmi les artistes, plusieurs quittent le pays, comme George Grosz en 1932, Bertolt Brecht, Thomas Mann, Erich Maria Remarque, Fritz Lang ou Josef Albers en 1933, Marcel Breuer en 1935, Walter Gropius en 1937, Thomas Theodor Heine en 1938 – l’exposition de 1937 « Entartete Kunst (art dégénéré) » ne faisant que précipiter encore un peu plus les choses, comme pour Max Beckmann ou Herbert Bayer. Pour ce dernier, jusque là golden boy à succès, aimant le ski et les voitures rapides, artiste commercial le mieux payé d’Allemagne, ayant même réalisé plusieurs travaux pour le pouvoir en place, se retrouver soudainement classé parmi les dégénérés est une mauvaise surprise. Pourtant, professionnellement, il hésite à s’exiler, même s’il souffre aussi de plus en plus de l’émigration de ses amis et collègues, Marcel Breuer, László Moholy-Nagy et Walter Gropius. C’est finalement quand ce dernier lui offre un travail aux États-Unis qu’il se décide. D’autres préfèrent rester, mais vivent une sorte d’exil intérieur, comme Willi Baumeister, Oskar Schlemmer ou Otto Dix. Ce dernier sera même envoyé de force sur le front occidental en 1944-1945 et finalement fait prisonnier en Alsace par les Français. Anton Stankowski, lui aussi, est fait prisonnier durant la guerre et le restera jusqu’en 1948, tandis que Otl Aicher, refusant d’adhérer aux Jeunesses hitlériennes, est arrêté en 1937 puis enrôlé de force dans l’armée qu’il tente plusieurs fois de quitter avant de déserter début 1945. Ernst Ludwig Kirchner, lui, se suicide en 1938 après que, en tant qu’artiste dégénéré, beaucoup de ses toiles aient été détruites. L’autrichien Julius Klinger, après avoir travaillé à Berlin jusqu’en 1915, est retourné à Vienne. Mais en 1938, à cause de ses origines juives, il est rattrapé par l’Anschluss et les persécutions nazies : déporté vers Minsk aux alentours de juin 1942, il n’en réchappe pas. Otto Freundlich ou Felix Nussbaum finiront comme lui. D’autres, cependant, adhèrent au NSDAP (parti nazi), comme Wilhelm Deffke, Max Burchartz ou Ludwig Hohlwein. Ce dernier va d’ailleurs exécuter de nombreuses commandes pour les nazis, avant et après leur accession au pouvoir. Avec le photographe Heinrich Hoffmann, Hohlwein va notamment concevoir l’identité visuelle des Jeux Olympiques de Berlin de 1936. Après 1945, il est interdit d’exercer jusqu’en février 1946. Il meurt en 1949. Theo Matejko, né à Vienne, longtemps un des illustrateurs attitrés du Berliner Illustrierte Zeitung (et qui créa aussi des affiches de cinéma), adhère au Parti nazi en 1933, il en devient un des dessinateurs officiels. Il est particulièrement connu en France pour une célèbre affiche de propagande intitulée « Populations abandonnées faites confiance au soldat allemand », qui fut diffusée après l’invasion de 1940 à l’intention des civils restés dans les territoires envahis, de même qu’en Belgique et aux Pays-Bas (en version flamande).

Après guerre

Hans Hillmann est considéré comme l’un des fondateurs de l’affiche de film moderne allemande. De 1948 à 1953 il suit une formation à la Staatliche Werkakademie de Cassel. Il fait ses débuts en free-lance dans cette ville, puis s’installe à Francfort en 1956. Au cours des années 1960 et jusqu’au début des années 1970, il produit des supports publicitaires pour les distributeurs de film Neue Filmkunst Walter Kirchner à Gottingen. Ses célèbres affiches montrent le plus souvent des images juxtaposées et manipulées par le biais de techniques très diverses, incluant la photographie, le collage, la peinture ou l’illustration. Il réalisera également des illustrations pour des magazines, notamment Twen, et des maquettes de livre.

Otl Aicher est un des graphistes important de l’après guerre en Allemagne, notamment en créant en 1954, avec Max Bill, la Hochschule für Gestaltung (école spécialisée dans les arts appliqués) d’Ulm, dans laquelle il est professeur de communication visuelle. Précurseur du concept de la communication visuelle, il est aussi l’un des pionniers de l’identité visuelle avec une conception complète initiée pour la Lufthansa allant du logo aux billets en passant par l’habillage des avions, les uniformes pour les agents de bord, sans oublier les menus distribués aux passagers, les étiquettes accrochées aux bagages, les publicités, etc. De 1967 à 1972, il est mandaté par le comité d’organisation des Jeux olympiques pour la réalisation du programme de communication visuelle des Jeux Olympiques de Munich. C’est à cette occasion qu’il conçoit les célèbres pictogrammes universellement utilisés depuis. Après les Jeux Olympiques, Aicher a élargi l’utilisation des pictogrammes pour la conception visuelle de l’aéroport de Munich. Il a ainsi démontré l’utilité et la nécessité d’utiliser le design pour une société prospère et ordonnée.

Anton Stankowski est un autre graphiste important des années 1950 et 60, célèbre pour le Berlin layout, l’identité visuelle de la ville, ainsi que pour le logo de la Deutsche Bank. Pour Stankowski il n’y avait pas de séparation entre l’art libre et appliquée. Beaucoup de ses œuvres photographiques et picturales servaient dans ses réalisations graphiques fonctionnelles.

Né en 1929, Pierre Mendell connait un début d’existence mouvementé. Avec sa famille, il émigré aux Pays-Bas en 1934, à Paris en 1939, puis Marseille en 1940 en espérant de là fuir au États-Unis. Mais ne reevant pas un visa, ce n’est qu’après la libération ques mère et le fils peuvent aller aux États-Unis, où Mendell acquiert la citoyenneté américaine en 1947. Mais en 1953, il retourne en Allemagne comme soldat de l’armée américaine, avec la fonction d’interprète. Après avoir quitté l’armée, il étudie à l’École de design de Bâle, notamment auprès d’Armin Hofmann, puis commence à travailler à Munich avec Michael Engelmann. Finalement, en 1961, avec Klaus Oberer, un collègue de chez Engelmann, il fonde son propre studio : Mendell & Oberer, attirant très vite l’attention internationale, pour devenir l’un des concepteurs graphiques les plus reconnu dans le monde.

Ott+Stein est un studio de design basé à Berlin. Créé en 1978 par Bernard Stein et Nicolaus Ott (ils ont été enseignants à la Hochschule der Künste de Berlin et à l’Université de Kassel), il œuvre principalement dans la conception typographique, de logos, de couvertures de livres et d’affiches pour des institutions culturelles comme les Musées nationaux de Berlin. Ott et Stein ont assoupli la conception de la grille réduite de l’école d’Ulm et la conception graphique suisse (Josef Müller-Brockmann, Otl Aicher) grâce aux influences ludiques de l’affiche de la Nouvelle Objectivité (Lucian Bernhard, Ludwig Hohlwein) et de l’Art Déco (Cassandre).

Gunter Rambow, né en 1938, grandit en RDA communiste. En 1954, quelques années avant que le mur de Berlin soit construit, il déménage à l’Ouest. A vingt-deux, alors qu’il est encore étudiant, Gunter Rambow lance son propre studio de design à Kassel, avec son condisciple Gerhard Lienemeyer (tous deux anciens étudiants de Hans Hillman). Ils déménagent à Stutggart en 1964 et quatre ans plus tard à Francfort. En 1972, ils sont rejoints par Michael van de Sand. Rambow est le membre créatif de l’équipe. Dans ses affiches, il aborde les problèmes sociaux et politiques de son temps, ne faisant aucun secret de ses repères idéologiques de gauche. Ses affiches de théâtre contiennent souvent des commentaires caustiques sur la société contemporaine. Pour lui l’affiche est un medium socio-culturel critique, un moyen d’engagement humaniste et revendicatif. Enseignant la communication visuelle à la nouvelle Hochschule für Gestaltung, à Karlsruhe, Gunter Rambow est certainement un des graphistes actuel les plus dynamique et inventif.

Parmi les graphistes du moment, on peut également citer Henning Wagenbreth, dessinateur, affichiste, graphiste et auteur de bande dessinée. Il enseigne l’illustration à l’Universität der Künste de Berlin. Également l’agence Neue Gestaltung, fondée par Pit Stenkhoff et Eva Wendel en 1995, et leurs très belles affiches de théâtre – ou Apfel Zet, créée par Roman Bittner et Matthias Ernstberger, anciens étudiants de l’école des Beaux-arts de Stuttgart.

Le Jugendstil:

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