Parmi les multiples ressources qui affluent dans cet espace dédié à la rencontre du monde sauvage, nous avons sélectionné quelques pépites: le fabuleux témoignages ... un cri d'Alarme lancé par Jane Goodall concernant les origines de la pandémie... et toujours les brèves animales du naturaliste Marc Giraud et les bonnes nouvelles de la Terre et du Vivant.
Je viens de lire d'une traite l'ouvrage de Geoffroy que je me réservais comme un cadeau d'anniversaire. J'avais rencontré Geoffroy sur un salon bio, autour d'un petit stand où il présentait son livre. Nous avions échangé un peu autour de son expérience qui déjà m'avait interpellée dans les tripes. Mais, je ne pouvais imaginer la radicalité de son expérience au contact de la forêt, des chevreuils et de ses autres habitants. Ce qu'il nous offre dans son ouvrage est le récit incroyable d'une proximité inédite avec des animaux sauvages jusqu'à devenir l'un deux. Loin d'une démarche volontariste de connexion à la forêt, c'est par nécessité vitale que Gefffroy se retrouve dans la nature.
Loin d'une démarche volontariste de connexion à la nature, telle que nous pourrions l'imaginer aujourd'hui à travers nos stages et ateliers (aussi justes soient-ils), Geoffroy se retrouve en nature par nécessité vitale; nécessité de survivre à un environnement familial et social inadéquat, nécessité intérieure de répondre à une curiosité, nous pourrions dire une quête du Vivant dans ses différentes expressions.
Enfant, il commence à explorer les recoins mystérieux du jardin, puis, de fil en aiguille ou plutôt de chouette en renard, il part de plus en plus loin et de plus en plus longtemps. Un jour, suivant un renard, il franchit la frontière du monde connu et se retrouve en forêt, et pas n’importe quelle forêt; celle de Louviers en Normandie, immense et sauvage. Ses errances nocturnes ponctuelles deviennent quotidiennes jusqu'au renoncement final au confort matériel d'une maison qu'il n'hésite plus à lâcher pour faire de la forêt son nouveau domicile (sans tente, sans duvet, sans materiel décathlon...) et des chevreuils sa nouvelle famille. Ceux-ci l'apprivoisent progressivement (et non le contraire) et lui donnent le courage et les enseignements pour devenir totalement autonome en nature. A ce titre, cet ouvrage est également un véritable guide de survie en milieu sauvage.
Les premières pages nous ouvrent les portes de domaines inconnus avec un respect, une tendresse et une intelligence hors du commun. Puis viennent les récits invraisemblables. Les premières approches sans fuite, les premières interactions, les premières caresses... toujours à l'initiative des chevreuils, sans les brusquer, en prenant le temps. Peu à peu, le sujet des actions passe du "je" au "nous"... Geoffroy ne parle plus au départ de sa personne, mais de son groupe "nous avons cherché à manger, nous avons entendus un bruit suspect qui nous a fait sursauté, nous avons traversé la clairière...",
Les chevreuils lui enseigne l'art de survivre (manger sans cesse, ne dormir que par petite touche et sur la terre nue (plutôt que sur les feuilles, entendre l'inhabituel, communiquer par les sons, les postures, apprendre des odeurs...) et Geoffroy en retour les forme aux pièges de la chasse et la façon d'éviter les fusils... sans y réussir toujours. Les "assassinats" de ses amis se produisent parfois devant lui et le rende misérable et vulnérable. Sa mission, telle qu'il la comprend est de les protéger au mieux et quand il échoue, il se sent habité d'une grande culpabilité.
A l'inverse, les chevreuils lui sauvent la vie à plusieurs reprises, une nuit où il s'endort "trop" et s'engourdit dans l'hypothermie, une autre fois où face à un serpent en posture d'attaque, une maman chevreuil vient écrabouiller la bête de son sabot.
Au cours des sept années, Geoffroy voit les couples se former, les petits grandir et fonder d'autres familles sur d'autres territoires. Il devient le confident de plusieurs générations, tant et si bien, que les nouveaux-nés habitués dès le début à sa présence, peuvent lui être laissé en baby sitting par leurs parents.
Les anecdotes sont nombreuses et totalement inédites. On n'ose croire pareille confiance et proximité. Le tout est raconté dans un style très sobre et tendre qui ne laisse pas de place à l’emphase. Ce qui y est vécu devient d'autant plus poignant et nous conduit progressivement à un changement de regard inouï.
Il semble qu'aucun érudit ne sont aller aussi loin dans la connaissance de l'univers et des comportements des chevreuils. Cet ouvrage est bien plus qu'une somme naturaliste, c'est un condensé d'amour, de beauté, de sensibilité qui nous ouvre les portes d'une relation nouvelle au monde animal, aux possibles encore inimaginés, à une forme de sagesse inaccessible à la plus grande partie de notre société humaine. C'est un saut de conscience considérable dans notre approche de la fraternité inter-espèce et la compréhension de l'unité fondamentale du Vivant.
J'éprouve une gratitude immense après avoir refermé cet ouvrage, dans la sensation qu'à travers ces pages et par l'expérience courageuse et intime de cet homme, j'ai moi-même grandi en humainité.
Message de Geoffroy extrait du livre
"Comprendre les chevreuils, c'est avant tout comprendre la forêt, ce qu'elle nous apporte et ce que les animaux, dont l'Homme, lui apportent également.
La forêt, c'est une communauté d'arbre qui accueille d'autres communautés animales et végétales. C'est l'une des bases de la vie sur Terre. Elle est protectrice et nourricière. Elle est le premier rempart contre le désert car elle annihile les effets désastreux du vent**.**
Depuis les années 1990, la sylviculture ne cesse de progresser technologiquement et les moyens d'exploitation sont de plus en plus destructeurs. Je ne combat pas la sylviculture mais l’industrialisation de celle-ci qui est entrain de détruire non seulement les arbres mais surtout pour ma part, le mode de vie de beaucoup d'animaux sauvage, dont mes amis les chevreuils.
Mon livre explique la vision non humaine que cette industrialisation peut avoir comme effet sur la communauté des chevreuils et force est de constater que la forêt n'est plus nourricière. Elle offre certes une quantité végétale non négligeable mais il n'y a plus de variété ni de qualité car la monothéisation des massifs forestiers s'est engagée depuis très longtemps. Nous voyons de plus en plus facilement des animaux sur le bord des routes, dans les zones périurbaines, parfois au cœur des villes et dans des campagnes dans lesquelles nous ne devrions pas les voir. L'Homme a créer des conditions de vie artificielles aux autres animaux en surexploitant à des fins écononomiques les milieux naturels. Nous sommes entrain d'assister à un véritable exode des populations animales qui fuient leur habitat sauvage afin de trouver refuge, protection et nourriture. Mais serons-nous à même de leur apporter tout cela en partageant des terres déjà conquises ? J'en doute**.**
Il faut revenir à des méthodes plus humaines d'exploitation de la forêt sans mettre en priorité le caractère économique mais utile et artisanal.
Je veux des animaux heureux dans des forêts partagées et respectées par tous**".**
En savoir plus sur Geoffroy Delorme et découvrir ses amis chevreuils sur son site
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