**Ce cyber-entrepreneur, qui vient de vendre sa société Seesmic, est une des grandes figures du petit milieu du e-business français. A quarante ans tout juste, tout lui a souri, grâce, notamment, à un excellent réseau.**Par Cécile DucourtieuxPublié le 11 septembre 2012 à 12h13 - Mis à jour le 12 septembre 2012 à 16h39 Temps deLecture 6 min.FavorisAjouter aux favorisPartagePartager sur FacebookEnvoyer par e-mailPartager sur MessengerPlus d’options

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Loïc Le Meur a vendu Seesmic à l'américain HootSuite, un éditeur de logiciels d'entreprises permettant de gérer sa présence sur les réseaux sociaux. SEESMIC

Et hop, une de plus! Début septembre, Loïc Le Meur a annoncé qu'il venait encore de revendre une de ses sociétés. En l'occurrence, Seesmic, au canadien HootSuite, un éditeur de logiciels d'entreprises permettant de gérer sa présence sur les réseaux sociaux.

C'est au moins la quatrième fois que pareille aventure lui arrive, à 40 ans tout juste. Mais comment fait ce cyber-entrepreneur, une des grandes figures du petit milieu du e-business français, alors qu'il n'est pourtant réputé ni pour son génie informatique, ni pour l'originalité de ses "business plans" ? Une partie de la réponse tient dans son exceptionnel talent de "réseauteur".

Loïc Le Meur a, jusqu'à présent, toujours très bien réussi à avoir la bonne idée au bon moment, et surtout, les "amis" qui comptent. Sa belle gueule, sa faconde et son abord plutôt très sympathique en font, par ailleurs, un très bon client pour les médias, ce qui ne nuit pas, au contraire.

UN HOMME PRESSÉ

M. Le Meur crée sa première société, B2L, alors qu'il est encore sur le campus de HEC, au milieu des années 1990, en plein boom internet. Il s'agit d'une agence de communication Web, une "Webagency" comme on dit à l'époque : elle vend aux entreprises du conseil en communication sur Internet et propose de concevoir leurs sites web. Il en existe des dizaines d'autres en France mais lui, il vend la sienne à la holding Omnicom, un des plus grands groupes mondiaux de communication.

Dans la foulée, il lance RapidSite, un hébergeur de sites Web, qu'il cède à France Télécom. Puis, il y a les start-up Tekora, Marketo, et Business Pace. En 2003, au moment de l'émergence des blogs, ce "serial-entrepreneur" reprend U-Blog, une plate-forme d'édition de blogs, qu'il cède à un concurrent plus gros, l'américain Six Apart.

LE "MONSIEUR WEB" DU CANDIDAT SARKOZY EN 2007

Cet homme pressé trouve aussi le temps de s'impliquer dans la campagne de Nicolas Sarkozy pour les présidentielles de 2007, devenant le "Monsieur Web" de l'équipe de campagne du candidat UMP. Un engagement qui lui vaudra beaucoup de sarcasmes de la part de la communauté Internet française, en partie exaspérée par son exposition médiatique.

Juste après la victoire de M. Sarkozy, c'est le départ avec femme et enfants pour la Silicon Valley. "Pas parce que j'en avais marre de la polémique liée à la campagne. Mais parce que c'est là-bas que sont situées toutes les entreprises qui comptent dans l'Internet. Je rêvais depuis longtemps de m'y installer", assure Loïc Le Meur. Il ne tarde pas à y fonder Seesmic. L'entreprise changera au moins trois fois de modèle.

Loïc Le Meur a, d'abord, l'ambition de lancer une sorte de réseau social vidéo : une plate-forme où on peut communiquer entre amis, essentiellement au travers de la vidéo. C'est un échec. "Les internautes n'étaient pas mûrs. La technologie non plus : les webcams pas assez performantes, les débits d'accès à internet pas suffisants. Je suis convaincu que l'idée est très bonne, mais aujourd'hui, YouTube a capté une grande partie de la valeur sur ce marché", commente M. Le Meur.

SEESMIC FRÔLE LA LIQUIDATION

Seesmic frôle la liquidation, son PDG vire une bonne partie de son personnel, repart sur une autre idée. A un bloc de son appartement, au sud de San Francisco, là où toutes les start-up Internet s'installent avant de - une fois devenues grosses -, migrer quelques kilomètres plus au sud, dans la Silicon Valley, il y a l'équipe de Twitter, dont Jack Dorsey, le fondateur du site de micro-blogging.

Parmi les premiers, il décide de développer une application permettant d'accéder à Twitter sur les smartphones tournant sous le système d'exploitation Android. A cette époque là, Twitter laisse se développer tout un écosystème de sociétés satellites, comme Seesmic nouvelle version. Mais, il y a deux ans, Twitter, qui commence à sérieusement chercher des moyens de gagner de l'argent, décide de reprendre le contrôle.

M. Le Meur espère à ce moment-là que la start-up rachètera la sienne. Manque de chance : l'éditeur d'Android, le géant Google, installé 20 kilomètres plus au sud dans la vallée, propose à Dorsey et à son équipe, un équivalent de Seesmic, gratuitement… "J'étais dans leurs locaux quand les dirigeants de Twitter m'ont annoncé la mauvaise nouvelle. Je leur ai dit: je fais quoi maintenant ? Ils étaient désolés, moi aussi", raconte M. Le Meur.

Pas découragé pour autant, il réoriente une nouvelle fois son "business", se tourne vers le marché des entreprises, leur propose des solutions de microblogging privé. Mais ne se fait guère d'illusion sur le potentiel de Seesmic, dernière mouture : "Nous n'avions plus assez de fonds pour nous développer, la meilleure solution, c'était de nous associer à HootSuite." Il ne veut pas révéler le montant de la transaction. Pas sûr qu'il ait gagné grand-chose : "En nous achetant, HootSuite a surtout voulu éliminer un concurrent, il récupère aussi nos clients", avoue-t-il.

"ON M'APPELLE LE ROI DU CHANGEMENT DE BRAQUET"

Le parcours de Seesmic est plutôt médiocre ? M. Le Meur positive : "Ici, dans la Silicon Valley, on m'appelle le King of pivot, le roi du changement de braquet, c'est quelque chose qu'on valorise beaucoup." Roxanne Varza, ex-rédactrice en chef de TechCrunch France, originaire de Palo Alto dans la Silicon Valley, opine : "Les choses n'ont pas été simples pour Seesmic. Loïc a fait plusieurs pivots, et finalement, il a réussi à faire cette vente. Je dois dire chapeau, car la stratégie de 'sortie' n'était pas très évidente."