Elen m’attend sur le pas de la porte. Elle a passé un bikini triangle noir & blanc et une robe bain de soleil en lin blanc, au tombé parfait. La tenue met en valeur sa peau bronzée et sa ligne élancée. Elen porte de grandes lunettes de soleil hexagonales et tient son chapeau de paille à la main. Avec ses bords très larges et souples, elle ressemble à s’y méprendre à une starlette sur la croisette, à Cannes.

“Georges chéri, cet après-midi, c’est farniente à la plage”. Georges, c’est moi. Et c’est tous les jours farniente à la plage. Je transporte le parasol, la natte de plage matelassée sur laquelle Elen pose délicatement son drap de plage. Je porte également le dossier pliant contre lequel la belle s’appuie pour lire confortablement. En bandoulière, sur mon épaule droite, la lanière de la glacière est tendue et bringuebale, au grès de mes pas. Relativement légère, elle ne contient que la citronnade aux feuilles de menthe du jardin, concoctée quotidiennement par mes soins, pour Elen.

Nous descendons, chaque jour, avec ce matériel, dans la crique de l’anse Méjean, en contrebas de la maison. J’installe le parasol et les matelas. Elen retire sa robe sous le regard plein d’émoi de nos quelques voisins de plage. Elle s’allonge sur le ventre, dénoue les liens de son haut de maillot d’un geste expert, avant de le ranger dans son sac. Une fois à son aise, elle me tend l’huile de bronzage à l’odeur enivrante de fleurs de tiaré. “Georges chéri, tu veux bien ?” Bien sûr je veux bien. Je m’exécute avec un mot gentil. Elen pose sa tête sur le côté droit, une main de chaque côté.

Je fais couler l’huile, merveilleusement tiède, au creux de ses reins. Je l’étale délicatement sur son dos. Mes mains glissent sur sa peau nue et soyeuse. Je frôle la naissance de ses seins en m’y attardant un instant, le temps de ressentir son frisson. Elle sourit, se tend légèrement et se détend. Je remonte lentement sur ses omoplates, le long de la colonne vertébrale, vers les trapèzes. Je descends sur les bras, jusqu’à ses coudes et le dos de ses mains. Se faisant, je me penche un peu plus en avant jusqu’à frôler son dos avec mon buste, une longue seconde. Puis je remonte. Mes mains parcourent le chemin inverse : elles courent de la nuque au bas du dos. Elen a fermé les yeux.

Mes doigts dessinent un trait léger le long de ses jambes, jusqu’aux talons. Je me réapprovisionne en huile. Cette fois, je commence par les plantes de pieds et remonte en massages délicats sur ses mollets puis le creux des genoux. Mes doigts s’attardent sur le flanc extérieur de ses cuisses tandis que mes pouces font pénétrer l’huile sur l’arrière et l’intérieur des cuisses, de manière répétitive, lentement. De plus en plus lentement, je remonte ainsi jusqu’à ses fesses. Elen entrouvre légèrement les lèvres. Mes pouces glissent sous l’élastique de la culotte du maillot de bain, juste assez loin pour éviter une trace de bronzage trop franche et je retire mes mains.

Elen soupire une dernière fois avant de s’assoupir pour de bon, confiante.

Pour ma part, je déteste la chaleur, les galets ou le sable brûlant sous les plantes de pieds ; je déteste l’esprit même de la plage. Porter tout le barda qui ne servira qu’à suer au soleil pendant des heures, mal installés, candidats certains au mélanome. Je déteste dormir au soleil, lire au soleil, regarder l’horizon au soleil des heures durant. Je déteste les gens de la plage, qui se collent les uns aux autres. Le farniente à la plage me fait chier !

Voilà 3 semaines que je supporte, quotidiennement, les descentes dans les criques de la baie, aux heures les plus chaudes de la journée. 3 semaines que la donzelle me susurre des “Georges chéri” accompagnés de toutes sortes de désirs.

Les séances d’huile solaire sont ma revanche sournoise. Jour après jour, j’en rallonge la durée, je m’attarde sur des zones de plus en plus sensibles. J’attends que son désir monte et je m’arrête sans jamais aller trop loin. En d’autres temps, je ne me serais pas privé. Mais cette fois, je dois me tenir à carreau. Je suis le plan à la lettre. Tout dérapage serait catastrophique.

J’ai loué l’une des villas proches du chemin des douaniers, au nom d’Elen Mc Arthur.

La petite grue a répondu à mon annonce. Elle pense naïvement jouer dans le pilote d’un nouveau jeu de télé-réalité. Au début, elle a cherché les caméras en vain (et pour cause, il n’y en a pas). Elle en a finalement déduit que la production avait fait un merveilleux travail de masquage pour qu’on se croit vraiment en vacances. La gourde !

“Elen” s’appelle, en réalité, Stella. En arrivant, les instructions étaient de laisser téléphone et pièces d’identités dans le coffre. Ce qu’elle a fait sans rechigner. En échange, je lui ai donné les papiers d’Elen et une fiche personnage à apprendre en 2 jours. J’avoue être bluffé par sa capacité d’apprentissage et ses talents d’actrice ; dommage. Au-delà de la ressemblance physique, elle incarne à merveille le vraie Elen, mon épouse.

72h après l’arrivée de Stella, le personnel d’entretien de maison local, est entré en scène : un jardinier et 2 femmes de ménage. Eux, ne tiennent aucun rôle. Ils sont juste là pour attester, le moment venu, des évènements qui se sont déroulés dans cette maison de vacances. Ils sont d’ailleurs persuadés d’être au service d’Elen McArthur, une jeune femme brune à la peau halée, adulée par son mari, un certain Georges, particulièrement attentif aux désirs de son épouse.

Georges Mc Arthur est mon vrai nom. Elen est ma femme depuis 10 ans. Je dirige une boîte dans la tech, aux Etats-Unis. J’ai monté ma start-up grâce à l’héritage d’Elen (la vraie). Son père avait fait fortune dans la crème glacée. Elen était étudiante en commerce international lorsqu’on s’est rencontré. Elle a fini par occuper le poste de directrice RH dans ma boîte. Loin d’être un poste honorifique, elle a su dénicher des profils de valeur. Si bien que très vite, j’ai pu lever le pied et profiter de la vie.

Des soirées poker entre potes, je suis passé à des cercles plus selects et plus fermés avec des enjeux à la hauteur de mon ennui. J’ai troqué les billets de monopoly par des vrais. J’ai commencé à jouer avec mon argent. Comme je gagnais très souvent, j’ai augmenté les mises. Plus d’argent, plus d’adrénaline. Alors, j’ai joué avec l’argent de l’entreprise jusqu’à ce que Angelo, notre financier, repère la combine. J’ai acheté son silence car, au final, tout s’achète si facilement. Quand j’ai commencé à perdre, il m’a mis en contact avec des “financeurs”. J’ai signé quelques papiers pour l’hypothèque de la maison et la gestion de l’entreprise. En échange, j’avais un financement open bar. Tout était si facile.