"Le corps ne ment jamais. Il parle une langue que la conscience n'entend pas, mais qui nous révèle la vérité de notre souffrance." – Gabor Maté
Pendant plusieurs années, mon quotidien a été rythmé par des symptômes chroniques. Je vivais avec des vertiges, chaque jour, une sensation d’instabilité permanente, comme si je marchais sur un sol mouvant. Mais aussi des nausées, un SPM atroce, ainsi que des plaques d’eczéma inexplicables et récalcitrantes. J'avais vraiment la sensation d'être enfermée dans un corps imprévisible.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai d’abord cherché des réponses dans la médecine traditionnelle. Examens, consultations, analyses… Tout semblait « normal », et pourtant, mon corps continuait à me faire vivre ces sensations envahissantes. Après avoir fait un véritable marathon de la médecine, j’étais épuisée, prête à accepter que je resterais bloquée, toute ma vie, dans un corps que je ne comprenais pas, mais surtout que je ne contrôlais plus. C’est en 2021, lorsque je me suis intéressée à l’approche somatique, que j’ai pu voir mes symptômes sous un nouveau jour. Et si mon corps ne « dysfonctionnait » pas ? Et s’il essayait simplement de me parler au travers de la somatisation ?
La somatisation, c’est ça : quand le corps exprime, au travers de symptômes physiques, ce que nous ne pouvons pas toujours mettre en mots. Ce ne sont pas des symptômes « dans la tête », mais des manifestations bien réelles d’un système nerveux en difficulté, tentant de gérer un trop-plein d’émotions, de stress ou de traumatismes passés. Dans cet article, nous allons explorer trois grands messages que le corps peut transmettre par le biais de la somatisation. Des messages qui, une fois compris, permettent d’aborder ces symptômes différemment et d’entamer un véritable dialogue avec son corps.
Lorsque notre corps somatise, l’un des messages les plus fréquents est celui-ci : "J'ai dépassé mes capacités". Cela se produit souvent lorsque notre système nerveux dépasse sa fenêtre de tolérance. La fenêtre de tolérance est la zone où nous nous sentons en sécurité, équilibrés et capables de répondre aux défis de la vie de manière fonctionnelle. Lorsqu’on est dans cette fenêtre, notre système nerveux est régulé, ce qui nous permet de gérer le stress, de traverser nos émotions et d’interagir avec le monde extérieur sans être submergés. C’est là que nous pouvons ressentir, nous connecter et nous adapter.
Cependant, lorsque nous fonctionnons avec un système nerveux autonome dérégulé (en raison du stress chronique et traumatique que nous avons vécu), nous dépassons cette fenêtre — que ce soit en nous activant trop (hypervigilance, anxiété) ou en nous fermant trop (figement, effondrement) — et nous entrons dans des zones de stress ou de shutdown. Cela peut se manifester par des symptômes physiques et émotionnels, qui sont en réalité des signaux d'alerte indiquant que nous avons dépassé notre capacité à nous adapter dans l'instant.
Les somatisations peuvent aussi apparaître lorsque nous ressentons des émotions qui ne trouvent pas de voie de libération. Cela peut se produire si nous avons intégré que certaines émotions étaient inacceptables ou dangereuses, ou bien si ces émotions nous ont déjà submergés par le passé, rendant alors leur expression trop menaçante pour notre système nerveux. Mais une émotion ne disparaît pas simplement parce qu’on l’ignore. Lorsqu’elle ne peut être verbalisée ou ressentie en toute sécurité, les symptômes deviennent alors la seule soupape possible pour évacuer une partie de cette charge. En réalité, le corps a intégré qu’il est plus sûr de ressentir un symptôme plutôt qu’une émotion que l’on a intégré comme étant « écrasante". Comme l’explique Bessel van der Kolk : "Le corps garde le score. Il absorbe ce qui ne peut être exprimé et cherche, par des symptômes, à relâcher ce qui ne peut être dit. »